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L’entrepreneure du XXIème siècle : un mental de motarde

Un mental de motarde

Un mental de motarde

L’entrepreneure installée à la tête de son entreprise et la motarde installée au guidon de sa moto ont au moins deux points communs :

  • Le premier, c’est d’évoluer dans un univers dont les repères sont majoritairement masculins ;
  • Le second, c’est de devoir assumer une image sociologique dépendante de nombreux clichés.

Le changement de regard porté aux motardes – qui évoluent dans un monde très masculin. Il pourrait encourager les femmes chefs d’entreprise à suivre le même exemple. En s’épanouissant dans leurs projets entrepreneuriaux.

Cet état de fait apparaît comme une évidence quand on travaille au carrefour de ces deux mondes.

Le motard du XXe siècle, un cliché relayé par le cinéma

La seconde moitié du XXe siècle a créé une image du motard assez stéréotypée. Au point de devenir un cliché : cheveux longs, parfois dans un bandana. Lunettes de soleil. Veste en cuir sans manches et muscles saillants. Le motard mis en scène dans les films sortis entre les années soixante et quatre-vingt-dix est un loup dangereux qui chasse en meute et erre de bar en bar. On le retrouve dans Easy Rider (1969), mais aussi – caricaturé – dans Mad Max (1979), ou encore dans la scène d’ouverture de Terminator 2 (1991).

Dans cet univers saturé de testostérone, la motarde n’existe que comme une composante sexuée de la panoplie du motard. Au second plan, presque toujours passagère, elle se tait. Sauf quand elle rit à des plaisanteries graveleuses qui la concernent, entre deux mastications d’un éternel chewing-gum.

Il faut attendre le tournant du siècle et le film Erin Brockovich (2000) pour voir s’imposer un personnage de motard qui tranche avec ses ancêtres cinématographiques : le compagnon du personnage incarné par Julia Roberts, lui-même joué par Aaron Eckhart, est un biker qui accepte de renoncer un temps à son train de vie viril pour jouer la nounou afin de soutenir son intrépide conjointe dans sa croisade sanitaire.

Comme pour en acter la réalité, cette guerre d’image entre le biker sans pitié et sans attaches et l’homme intégré socialement fera même en 2007 le sujet d’un film à part entière, Bandes de sauvages, une comédie qui se veut aussi un clin d’œil à Easy Rider, à la fois hommage cinématographique et mise au point sociologique.

La motarde du XXIème siècle, une femme libre et libérée

Dans le même temps, la motarde s’épanouit au guidon de son véhicule préféré. Une étude menée en 2013 par Kelton pour le compte de Harley Davidson a ainsi comparé le regard qu’environ deux mille femmes portaient sur la moto, mais aussi sur elles-mêmes. La moitié d’entre elles seulement étaient des motardes. Et les résultats furent sans appel.

En effet, plus de la moitié des motardes interrogées ont affirmé voir la moto comme une source de bonheur, quand 74 % d’entre elles estimaient que leur vie s’était améliorée depuis qu’elles avaient commencé à piloter une moto. Plus, 37 % des motardes se disaient heureuses, contre 16 % des non-motardes. Côté image, 27 % des motardes se sentaient sexy, contre 7 % pour les non-motardes. Enfin, 35 % des motardes avaient confiance en elles, contre 18 % pour les non-motardes – soit près du double. Un rapport à prendre en compte lorsque l’on s’apprête à parler d’entrepreneuriat féminin.

Une figure en construction

En 2010, une étude de la Sofres ne dénombrait que 5,8 % de femmes parmi les utilisateurs de motos et scooters en France, mais les motardes constituaient pourtant près de 12 % des obtenteurs du permis moto en 2009. Le fait qu’un changement d’image de la motarde intervienne dans ce contexte minoritaire en cours d’amélioration devrait constituer un encouragement pour les entrepreneures en quête de valorisation.

Car le plafond de verre sociétal dénoncé par Patricia Arquette lors de la cérémonie des Oscars 2015 existe également pour les entrepreneures : une étude menée en 2014 montrait qu’en France 30 % des entrepreneurs sont des femmes, quand celles-ci composent 47 % de la population active, et que leurs entreprises présenteraient une profitabilité de 9 % supérieure à celles dirigées par des hommes. Aux États-Unis, les femmes représentent 6 % des patrons des 100 premières compagnies high-tech et 8 % des start-ups.

Serait-ce là le signe d’un déficit d’intérêt ?

Pas en France : 18 % des Françaises interrogées par Opinion Way en 2012 envisageaient de créer ou de reprendre une entreprise quand 69 % d’entre elles estimaient que l’entrepreneuriat était plus épanouissant que le salariat. Le problème ? L’accès aux crédits d’une part, et aux marchés d’autre part, dans un monde où à ce jour l’entrepreneure ne bénéficie pas spontanément de la même crédibilité que ses homologues masculins.

Preuve de cet état de fait, l’engouement pour le crowdfunding , c’est-à-dire le financement collaboratif en ligne : dans La déconnexion des élites, la journaliste Laure Belot explique que 47 % des campagnes financées par les internautes via le site Indiegogo sont des projets proposés par des femmes, qui trouvent là le moyen de contourner les lacunes et manquements de l’industrie financière.

Cette figure en construction de l’entrepreneure déterminée, prête à contourner les obstacles qui se dressent entre elle et l’accomplissement de son projet, n’est pas étrangère dans ses composantes psychologiques à celle de la motarde détaillée plus haut. Et si ces deux figures restent par nature indépendantes l’une de l’autre, il faut espérer que l’évolution de l’une annonce celle de l’autre dans l’inconscient collectif français. Le plus vite possible.

Source : Les Echos

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